Introduction 1   L’agglomération de Sfax a connu depuis environ trois décennies de profondes mutations spatiales marquées par l’étalement urbain de l’agglomération, l’apparition et le développement de noyaux périurbains ceinturant celle-ci, ainsi que la densification de l’habitat de la zone centrale et des radiales. Cette extension urbaine s’est faite par le morcellement continu des vergers–jardins (jneins) au sein de l’agglomération, ou au détriment des terres agricoles dans la ceinture périurbaine, et s’est accompagnée par l’artificialisation du milieu physique (imperméabilisation des surfaces, modification et diminution relative de la flore…). En parallèle, l’intensification du trafic automobile a accentué les niveaux de polluants dans l’air en particulier près du centre-ville. A cela s’ajoute la pollution atmosphérique d’origine industrielle notamment aux environs de la zone industrielle « El Maou » située au sud de l’agglomération qui accueille la Société Industrielle d’Acide Phosphorique et d’Engrais (SIAPE) et la décharge mitoyenne, où plus de 80 % des ordures de l’agglomération sont incinérées à ciel ouvert (Belarem, 2005). Après une description de l’espace urbain et des aménagements qu’a connu l’agglomération de Sfax, nous étudions l’impact de la morphologie urbaine sur la spatialisation des températures et de la brise de mer. Enfin, nous montrons l’inégale répartition de deux polluants le CO et le SO2, en mettant en exergue l’impact des sources fixes et mobiles de polluants atmosphériques   Un espace urbain fortement étalé mais différencié   Rétrospective de l’étalement urbain de l’agglomération de Sfax  2   L’espace choisi comme cadre de ce travail correspond à l’agglomération de Sfax (environ 50 km²), englobant administrativement la commune de Sfax et les communes périphériques, auxquelles on ajoute la ceinture périurbaine. Un bref aperçu sur les étapes de l’occupation de l’espace urbain à Sfax permet de mieux caractériser le tissu urbain et de saisir l’importance de la spatialisation des paramètres climatiques et de pollution, en vue de mieux cerner les grands problèmes et enjeux d’aménagement (Fig.1).3   Jusqu’au début du XIX ème siècle, la Médina avait constitué l’élément principal de l’espace, concentrant la quasi-totalité des fonctions d’habitat et d’activité. L’arrière pays restait agricole, avec des habitats très dispersés. Pendant la colonisation, et vers les années 1930, plusieurs éléments nouveaux vont apparaître dans le paysage urbain : construction du port, construction d’une voie ferrée jusqu’à Gafsa, configuration du réseau routier en radiales semi-radioconcentriques, naissance de la ville européenne entre la Médina et le port, sur des espaces gagnés aux dépens de la mer (hauts fonds), et enfin naissance des premiers faubourgs (Rbats), en rapport avec l’exode rural. La ceinture de vergers-jardins (Jneins), devient relativement plus densifiée, mais encore à habitat lâche (occupation saisonnière des habitations dans les jneins, uniquement en été, puisque le reste de l’année, les sfaxiens habitaient la Médina et y travaillaient). A la fin de la colonisation, vers 1955, l’espace urbain de l’agglomération est marqué par la multiplication et la densification des faubourgs, l’extension de la ville européenne et du peuplement européen. De plus, le réseau de radiales devient plus élaboré, (avec toutefois des inégalités persistantes dans l’importance des flux). A cette époque sont aménagées deux rocades (Km 4 et km 5), et et l'on voit émerger des Merkez, littéralement, les « centres » : noyaux d’habitat plus dense sur les radiales, à 4-5-6 kilomètres du centre-ville, parallèlement à la densification des jneins.4   Les années 70 marquent un véritable tournant : densification plus poussée des Jneins, qui subissent des morcellements continus, et qui deviennent des lieux de résidence permanents (Karray, 1982, Megdiche 1985). Parallèlement, la Médina perd partiellement sa fonction résidentielle et des maisons sont aménagées en ateliers, particulièrement de cordonnerie (Baklouti, 1993). Les Merkez se densifient également, et les quartiers populaires programmés apparaissent : El Habib, El Bahri, Ennour. L’option de la localisation littorale des industries se confirme, puisqu’aux industries de transformation des phosphates se sont ajoutées d’autres établissements émettant des polluants telles que les savonneries, tanneries mégisseries ou fonderies. Aujourd’hui, l’extension spatiale horizontale de la ville continue à un rythme toujours soutenu, entraînant une forte consommation de l’espace urbain et une prédominance de l’habitat pavillonnaire, avec densification accrue des jneins et des Merkez. Toutefois, l’opération d’aménagement urbain la plus spectaculaire est sans doute celle de Sfax El jadida (nouvelle Sfax), sur les terrains anciennement occupés par les cimetières jouxtant la Médina (sur environ 66 hectares). La ville devient ainsi poly-centrique avec la Médina, la ville européenne et Sfax El Jadida.    Problèmes et enjeux d’aménagement 5   Les problèmes et enjeux d’aménagement que l’on peut tirer de cette rétrospective sont nombreux : l’étalement démesuré et progressif de l’espace urbain dans la ceinture des vergers jardins, les « Jneins », le         déséquilibre entre centre et périphérie, la rupture de la ville avec la mer en raison des localisations littorales des zones industrielles et de la pollution, la prolifération de l’habitat anarchique, particulièrement dans la ceinture péri-urbaine, la densification du bâti et le dépeuplement du centre (surtout la Médina). Par ailleurs, l’étalement urbain d’une part et l’incapacité des modes de transport collectifs à répondre aux besoins des déplacements pendulaires entre le centre et la périphérie et l’absence de transport en site propre d’autre part, ont conduit les citoyens à utiliser les moyens de transport individuels (motocycles et voitures), beaucoup     plus que les moyens collectifs, qui sont déficients, ce qui constitue une importante source de pollution atmosphérique. Considéré sous l’angle « des coûts liés à la mobilité…et à l’installation des différents réseaux et       infrastructures » l’étalement urbain est considéré comme« contraire à la durabilité de la ville » (Bennasr, 2005).Figure 1 : Cartographie synthétique de l’occupation du sol de l’agglomération de Sfax, obtenue à partir de l’analyse d’une image Landsat Tm de juin 2011 et des observations de terrain réalisées en juin 20116  En effet, cet étalement, causé essentiellement par l’extension des zones d'activités et de la recherche d'un habitat individuel, augmente le nombre de déplacements en voiture et la distance parcourue. En revanche, la forte utilisation des transports en commun dans une ville compacte limite et remplace le trafic des véhicules privés, responsables de congestion, de pollutions et d'accidents. La proximité et la diversité des fonctions offertes par la ville permettent l'utilisation des deux roues ou de la marche comme moyens de transport pour accéder aux facilités locales, d'où une dépendance plus faible envers la voiture. A titre d’exemple, l’étude de R. Camagni (2002) sur l'agglomération milanaise confirme le rôle favorable exercé par la compacité sur l'utilisation des transports publics dans les déplacements pendulaires et sur la durée moyenne des parcours en transports publics. La ville compacte est faiblement consommatrice d’espace urbain, ce qui se répercute positivement sur les coûts des divers équipements urbains et sur le fonctionnement des réseaux.7  Toutefois, certains auteurs pensent que la concentration des habitants et des activités économiques dans le centre-ville peut conduire à de graves problèmes de congestion pouvant dégrader la qualité de l’air et contrarier les efforts d’économie d’énergie. Les villes fonctionneraient mieux lorsqu'elles offrent des transports publics qui les relient à des banlieues à densité relativement élevée, avec une occupation des sols mixte (Simmonds et Coombe, 2000). Peter Newton (2000) montre que des bénéfices dans la concentration urbaine en termes d'énergie sont aussi réalisables dans des zones à haute densité de l'agglomération, tels que des corridors ou des noyaux concentriques. Dans la même logique, et vu sous l’angle de la répartition de certains paramètres de pollution à Sfax, l’étalement (entendu ici dans le sens d’éloignement de l’habitat par rapport au centre et au littoral où l’air est fortement pollué) semble être un atout pour la ville et peut-être même un critère de durabilité, surtout en l’absence d’une politique volontaire de dépollution efficace de l’espace urbain. Uniquement sous cet angle, la compacité de l’habitat n’est pas forcément un critère de durabilité, par contre, elle peut être considérée comme facteur d’accroissement de la vulnérabilité et d’exposition aux aléas et risques et d’augmentation de l’endommagement potentiel.   Variations des paramètres climatiques dans l’espace urbain 8  Dans cette partie du travail nous souhaitons identifier l’impact de la morphologie de l’agglomération de Sfax et de son étalement urbain (détaillés ci-dessus) sur la répartition spatiale de la température et de la brise thermique. Certes, l’amélioration de la qualité de l’air et l’optimisation des aménagements futurs dans l’agglomération de Sfax passent par une meilleure compréhension de la spatialisation des polluants atmosphériques et des phénomènes météorologiques locaux tels que la brise et l’îlot de chaleur urbain. Mais cette spatialisation paraît difficile à réaliser, en raison de l’absence d’un réseau de mesures météorologiques dense. Par conséquent, des mesures itinérantes et à postes fixes, effectuées à plusieurs échelles spatio-temporelles, ont partiellement comblé ces lacunes. La télédétection s’est avérée un complément intéressant pour l’étude météorologique à méso-échelle.9  Les variables météorologiques retenues ici sont la température de l’air et celle de la surface ainsi que le vent (brise littorale). Ces variables sont en relation avec la morphologie urbaine. En effet, l’occupation du sol, le rapport surface minérale/surface naturelle, la densité du bâti et la rugosité du substrat font partie des facteurs influençant la répartition spatiale des températures et de la brise littorale. En outre, ces dernières sont faciles à mesurer par des capteurs portables. De plus, la brise côtière est choisie en raison de son importance relative parmi les situations météorologiques à Sfax, il s’agit du vent dominant dans la région.   Données et méthode  10  Nombreuses sont les études qui ont porté sur le phénomène de la brise côtière, notamment celles de Oke (1973, 1987), Pédélaborde (1985), Simpson (1994), Carrega (1995), Planchon (1997), Damato et al. (2003) ou encore Planchon et al. (2004). Ces auteurs ont montré l’alternance entre brise de mer et brise de terre dans les plaines côtières quand la situation météorologique est radiative (ciel clair et vent synoptique très faible). La nuit, ce type de temps est favorable à l’apparition du phénomène de l’étude de l’îlot de chaleur urbain, ce que montrent Cantat (2004), Carrega (1994), Reymand (1995), Charabi (2001), Ahrens (2008), Hamdi et Schayes (2008) et Hu et Jia (2009).11  La majorité de ces études sont basées sur des données météorologiques, principalement celles qui sont fournies par des anémogrammes et les bulletins météorologiques quotidiens. En complément, l’imagerie spatiale peut aider à spatialiser l’îlot de chaleur urbain et à étudier quelques caractéristiques de la brise côtière. Les images choisies sont issues du capteur AVHRR qui, malgré sa résolution spatiale kilométrique, est capable de détecter des écarts thermiques de l’ordre du dixième de degré Celsius. Le format de données AVHRR choisi est de type LAC (Local Area Coverage), soit avec une résolution spatiale de 1,1 km. Les canaux utilisés sont le visible (0,58-0,68 μm), permettant l’observation des nuages, ainsi que les trois canaux thermiques (3, 4 et 5) qui enregistrent le spectre infrarouge thermique émis par les surfaces. Les images ont été obtenues auprès du Satellite Active Archive de la NOAA. Environ deux cents images sélectionnées lors de situations de brise à Sfax entre 1999 et 2002 ont été analysées visuellement.Celles prises au cœur de périodes anticycloniques estivales ou printanières, avec une alternance marquée entre brise de terre et brise de mer, ont été retenues (soit 100 images). Elles ont été corrigées géométriquement avec une précision de l’ordre de 1,1 km et géoréférencées à partir d’une projection de type UTM Carthage. Elles ont été ensuite améliorées visuellement par étirement du contraste et grâce à l’utilisation de filtres numériques. Ensuite, des compositions colorées ont été élaborées afin d’améliorer les représentations cartographiques. Les valeurs numériques ont été converties en degrés Celsius après la correction des effets atmosphériques par la méthode du Split Window d’après la formule de Deschamps et Phulpin (1978) qui repose sur une méthode de calcul simple et couramment utilisée (Kermadi et al, 2000). Une classification non supervisée des températures de surfaces a été finalement adoptée. Pour évaluer la répartition spatiale de la température de l’air et la brise de mer, nous avons effectué des campagnes itinérantes de mesure de la température et du vent à 2 mètres du sol (Dahech et al, 2005). Pour les premières, les mesures ont été réalisées à la fin de la nuit en situations radiatives (ciel clair, vent synoptique faible ou absent), ce qui correspond à une période où les températures de l’air sont relativement stables et où l’écart thermique entre le centre-ville et l’espace périurbain est maximal. Ces mesures ont été réalisées à l’aide de sondes thermo-hygrométriques (Testo) et les déplacements ont été faits en automobile ou en moto et souvent par trois ou quatre équipes pour assurer en un minimum de temps une couverture de l’espace étudié. A chacun des arrêts, la direction et la vitesse de la brise de mer ont été mesurées par des anémomètres Testo.   Spatialisation des températures nocturnes 12  L’îlot de chaleur urbain correspond à l’augmentation de la température dans la partie centrale de l’agglomération par rapport à sa périphérie. Il résulte de l’hyper-concentration des hommes et de leurs activités dans les villes où dominent les surfaces artificialisées (rues, parkings, bâtiments…). En revanche, dans les jneins et autres zones d’habitat pavillonnaire avoisinantes règnent des surfaces plus végétalisées. L’îlot de chaleur urbain résulte principalement du changement de l’interface biosphère/atmosphère, ce qui induit une modification du rapport entre chaleur latente et chaleur sensible. Ces caractéristiques sont avant tout fonction de l’absorption du rayonnement solaire par les matériaux durant la journée et de sa lente restitution sous forme de chaleur la nuit (Oke, 1987 ; Carrega, 1994 ; Cantat, 2004). L’intensité de l’îlot de chaleur urbain dépend des facteurs agissant sur la température de surface, comme par exemple la saison (hauteur du soleil sur l’horizon), les conditions météorologiques (vent, insolation), le rapport entre les surfaces minérales et les espaces verts (présence d’eau évapotranspirable), la morphologie urbaine (ventilation, ombre)…13  L’étalement important de l’agglomération de Sfax, la différenciation de son tissu urbain et la pollution atmosphérique croissante influencent son climat local. En effet, Le centre-ville et la zone péri-centrale connaissent un réchauffement additionnel relatif par rapport à la zone des jneins où domine l’habitat pavillonnaire avec quelques espaces verts. Ce différentiel thermique dans l’espace urbain a été étudié à partir de l’analyse d’une image NOAA-AVHRR prise le 31 juillet 2006, à 2h15 T.U. Cette date correspondait à une situation anticyclonique de saison chaude, avec un ciel clair, un vent faible et une amplitude thermique diurne d’environ 8°C (entre 24 et 32°C pour la température de l’air à 2 m à l’aérodrome de la ville). Cette situation météorologique était déjà en place depuis huit jours.14  La classification automatique des trois canaux thermiques a permis de distinguer schématiquement trois classes de température de brillance, en fonction des types de surface.15  Les surfaces les plus chaudes (23-21°C) comprennent, en plus de la mer, le centre-ville de Sfax densément bâti et les zones industrielles littorales. En effet, la mer, du fait de sa forte inertie thermique, a accumulé la chaleur durant le début de l’été. Elle est considérée comme un réservoir thermique. La nuit, la mer se refroidit légèrement en raison de sa forte chaleur spécifique. Le centre-ville est formé par des surfaces minérales contiguës, de même que les zones industrielles. Ces surfaces stockent la chaleur le jour et demeurent également relativement chaudes la nuit en raison du manque d’eau à évaporer, et du « piégeage » du rayonnement infrarouge d’un immeuble à l’autre dans le centre.16  Les surfaces les plus « froides » (19-17°C) correspondent à la ceinture périurbaine où l’occupation du sol est dominée par les plantations d’amandiers ou d’oliviers. Leurs températures sont également plus fraîches que les surfaces densément bâties du centre-ville car la quantité d’énergie préalablement accumulée est moindre et les arbres laissent plus facilement repartir le rayonnement infrarouge.17  Enfin, entre les deux zones décrites ci-dessus se trouvent des surfaces intermédiaires quant à leur comportement thermique. Il s’agit d’un tissu urbain pavillonnaire plus ou moins lâche, comportant certes des surfaces minéralisées (voirie, habitations …), mais aussi quelques espaces végétalisés (vergers, jardins, larges pistes non asphaltées dont la taille est détectable par la résolution kilométrique de l’AVHRR) (Fig. 2). Figure 2 : Spatialisation de l’îlot de chaleur urbain de l’agglomération de Sfax d’après une image NOAA-AVHRR du 31 juillet 2006, à 2h15 T.U (utilisant les canaux thermiques 4 et 5).18  Ainsi, il s’avère que l’îlot de chaleur urbain de l’agglomération de Sfax prend la forme d’un demi-cercle, limité à l’Est par la mer et par la zone d’habitat pavillonnaire sur les autres bords. Cet îlot est formé de deux couronnes : la première correspond au centre-ville de Sfax et aux zones industrielles (rayon inférieur à 2 km). Cet ensemble est constitué par la Médina, le centre-ville européen et la zone portuaire et les zones industrielles de la Poudrière et d’El-Maou. Outre la densité du bâti qui caractérise ces zones, les gaz émis par les automobiles et les usines polluantes, notamment l’oxyde de carbone et les dioxydes d’azote, favorisent les processus photo-chimiques dans l’atmosphère urbaine. Ces interactions physico-chimiques, en modifiant le bilan radiatif local, peuvent renforcer l’effet de dôme thermique. Elles dégradent en particulier la qualité de l’air et le climat local durant l’été. Des températures de brillance de 22°C sont alors relevées dans la première couronne contre seulement 21°C pour la seconde (Fig. 2). Cette dernière est plus étendue : sa largeur varie régionalement de trois à quatre kilomètres. Elle est formée par un tissu urbain moins continu que le centre-ville, avec les quartiers densément peuplés tels que les faubourgs « Rbat », au nord et au nord-ouest, ainsi que les cités populaires programmées d’El-Habib, Bahri et Ennour, situées à environ 5km du centre. Figure 3 : Répartition spatiale des températures nocturnes de l’air à 2 m du sol (en °C) dans l’agglomération de Sfax d’après cinq séries de campagnes de mesures itinérantes réalisées par temps radiatif le 12/04/03, le 20/04/03, le 9/08/04, le 23/01/05 et le 21/07/05 entre 0h et 1h(moyenne de 2 mn par point, mesures effectuées simultanément par trois équipes ; fond : surfaces bâties de l’agglomération de Sfax d’après le traitement d’une image LANDSAT ETM+ de juin 2001 ; Dahech, 2007). 19  Ces différenciations thermiques en rapport avec le tissu urbain ont été confirmées par nos campagnes de mesures itinérantes, où nous avons enregistré des différences comprises entre 4 et 8°C entre le centre-ville et la zone des jneins (Fig. 3). Le centre-ville de Sfax est un espace où les températures sont relativement élevées, cette ambiance climatique est peu favorable aux habitants en été, notamment les personnes les plus vulnérables (personnes souffrant de pathologies respiratoires ou cardiaques).   Spatialisation de la brise de mer 20  Généralement, lorsqu’elle est bien installée, la brise de mer est orientée dans une direction proche de la perpendiculaire à la ligne de rivage, à savoir est-sud-est. Si les vitesses de la brise de mer les plus élevées (plus de 4,5 m/s) sont enregistrées au bord de la mer, on remarque que celles-ci s’amenuisent près du centre-ville et dans les espaces très urbanisés. Ce ralentissement remarquable est dû à la rugosité du substrat. En fait, l’énergie cinétique diminue à cause des forces de frottement et les vitesses ne dépassent pas les 3 m/s. Ajoutons que dans cette partie de la ville, la brise devient plus irrégulière, turbulente et ralentie par le bâti : des écoulements turbulents alternant avec de courtes périodes de calme absolu ont été observés. Puis, les vitesses augmentent de nouveau au fur et à mesure que l’on quitte le centre-ville, pour atteindre environ 4m/s dans la ceinture des jneins. Cependant, la position et l’orientation des radiales influent sur la vitesse et la direction de la brise de mer. En effet, la position littorale de la radiale Nord (Sidi Mansour) fait que la brise y est plus forte (entre 4.5 et 6 m/s) que celles enregistrées sur la radiale Sud (Gabès), séparée de la mer par les salines et les quartiers de Thyna (4,5m/s). En outre, l’orientation Nord des radiales de Mahdia, Tunis et Téniour, ajoutée à la densité du bâti dans les communes périphériques auxquelles elles aboutissent, ne facilitent pas l’écoulement de la brise, à l’opposé de radiales dirigées vers l’Ouest comme Lafrane, El-Aïn ou Menzel Chaker, où l’on enregistre des vitesses plus élevées (Fig. 4). Figure 4 : Force et direction de la brise de mer à Sfax obtenue par la moyenne des campagnes de mesures itinérantes du vent à 2m du sol, effectuées entre 15h et 16h le 12-04-03, le 20-04-03 et le 21-07-05.   Répartition spatiale des polluants atmosphériques (CO, SO2) 21  Les polluants étudiés sont le CO mesuré sur terrain par des capteurs portables et le SO2simulé par la modélisation numérique.   Les données utilisées 22  A Sfax, le suivi régulier de la qualité de l’air a débuté à la fin de l’année 1996 à la station de l’ANPE (Agence Nationale de la Protection de l’Environnement) implantée au sud du centre-ville, à proximité du rond-point de la place du Maghreb (Fig. 5). Les données issues de cette unique station donnent une bonne information sur la qualité de l’air, notamment sur les polluants issus du trafic automobile, mais elles ne permettent pas leur spatialisation à l’échelle de l’agglomération. C’est pour cela que nous avons effectué des mesures itinérantes afin de cerner la variabilité spatiale d’un polluant, le CO. Quelques mesures de CO ont été réalisées à l’aide de capteurs de type Fluke CO210, qui permettent des enregistrements à un pas de temps variant de 1 mn pour les relevés sur 24 h à 1 s pour les relevés sur 30mn.23  Ce gaz a été choisi, car c’est un polluant dangereux lorsqu’un individu y est exposé sur des périodes de temps suffisamment longues (Tab. I) : « à forte concentration, le CO engendre des effets cardio-vasculaires, neuro-comportementaux (atteinte de la vigilance), sensoriels (altération de la vision), hématologiques et fœtaux pouvant entraîner l'asphyxie » (Airparif, 2000). Ensuite, parce que sa mesure avec des capteurs portables est relativement facile à réaliser et enfin parce que le CO est un bon marqueur de la pollution issue du trafic automobile (Petersen & Allen, 1982 ; Chan & al, 2001 ; Wahlin & al, 2001 ; Kalthoff & al, 2002 ; Quénol et al 2005).24  Dix-sept campagnes de mesures itinérantes, d’une durée de 30 mn à 5 h, ont été effectuées en été et au début de l’automne 2004, treize ont eu lieu en hiver et au printemps 2005. Les capteurs utilisés étaient disposés à la hauteur de l’appareil respiratoire humain (environ 1,7 m. de la surface) et les prises de mesures réalisées sur le trottoir à environ 2 m de la chaussée. Dans certains cas, afin d’avoir une meilleure couverture spatiale de l’agglomération, trois équipes de deux personnes ont réalisé simultanément des mesures sur des itinéraires différents.25  Ces mêmes capteurs de CO ont été installés pendant 24 heures sur trois points de l’agglomération de Sfax : le premier à 1 km du centre-ville, le deuxième dans un quartier populaire situé à 4 km environ du premier et le troisième à 15 km en zone périurbaine, près du quartier de Khazzanet (Fig.5). Figure 5 : Localisation de la station de mesure de l’ANPE, des stations météorologiques (température, vent) et des 3 points de mesure du CO (cf. Fig. 6).26  Cette campagne de mesures spécifiques a apporté un complément d’information sur les variations quotidiennes du taux de CO en fonction de l’éloignement des sources polluantes. Les données météorologiques, utilisées en parallèle à celles du CO, proviennent soit de la station météorologique de l’Institut National de Météorologie (INM), implantée sur l’aéroport, soit d’une station fixe (« Davis »), que nous avons installée à 1 km au sud de la Médina (Fig. 2) soit d’une station portable (« Testo »). Les variables utilisées sont : l’humidité relative et la température de l’air sous abri, ainsi que la direction et la force du vent. Répartition spatiale du monoxyde de carbone à l’échelle de l’agglomération 27  Les mesures itinérantes du CO réalisées à l’échelle de l’agglomération le 23 janvier 2005 entre 11 h et 12 h (moyenne sur 2 mn à 5 m de la chaussée) montrent que les taux les plus élevés sont relevés près des grands croisements routiers ainsi que sous les panaches de pollution atmosphérique dégagés par l’usine de traitement des phosphates (SIAPE) et les fumées dégagées par l’incinération à l’air libre dans la décharge mitoyenne (Fig.6).28  Un taux de CO de 19.5 ppm est enregistré à 200 m de la cheminée de l’usine dans la direction des fumées, 1.5 km plus loin ce taux a baissé de moitié. Dans les principaux carrefours entourant le centre-ville (entre la Médina et Sfax-EL-Jadida), ainsi qu’au début de la Z.I. Nord (savonnerie SATHOP), les taux moyens enregistrés dans les mêmes conditions donnent des valeurs comprises entre 3 et 5 ppm. Au-delà de cette couronne, le taux plus faible de CO traduit un trafic routier de proximité qui est nettement plus fluide : de 2 à 3 ppm au niveau de la rocade du km 4 et 0.5 ppm au-delà de cette rocade et en zone périurbaine. Cependant, l’étalement urbain de l’agglomération, particulièrement vers le Nord, se traduit par des taux de CO relativement élevés dans les centres des communes périphériques telles que Saquiet Ezzit et Eddaier, Gremda, El-Aïn et Chihia. Ces mesures mettent en évidence le lien entre, d’une part, le taux de CO et le trafic routier, et d’autre part, la proximité des établissements industriels les plus polluants de la zone industrielle Sud (El-Maou) comme la SIAPE, ainsi que la décharge mitoyenne.29  Par ailleurs, nous avons cherché le lien entre la répartition spatiale du CO à Sfax et deux phénomènes spécifiques à l’agglomération : sa structure radioconcentrique et les mouvements de déplacements pendulaires générés par la concentration des activités urbaines dans la zone centrale d'une part, et la primauté de la fonction résidentielle desjneins de l'autre. Figure 6 : Répartition spatiale du taux de CO à l’échelle de l’agglomération de Sfax le 23/01/05 entre 11h et 12h (mesures itinérantes réalisées instantanément par trois équipes, moyenne de 2mn par point de mesure (capteur CO 210 Fluke) (Dahech et al.,2006).     30  Trois capteurs de CO ont été utilisés pour effectuer des mesures simultanées, en trois points fixes (Cf., localisation sur Fig. 5), en complément d’une campagne de mesures visant à spatialiser les taux de CO dans les principaux croisements entourant le centre-ville (allant de la Médina à la rocade n° 5) durant le pic matinal. Les résultats des mesures fixes montrent que le point 1, situé à proximité du centre-ville et à 4 m d’un axe de circulation à 4 voies fréquemment embouteillé aux heures de migrations pendulaires, enregistre les taux les plus élevés. En deuxième lieu vient le point 2 situé dans le quartier populaire densément bâti (cité Bahri) à 4 m d’une rue à 2 voies. Dans ces deux stations, l’effet du trafic automobile se traduit par les deux pics diurnes, similaires à ceux enregistrés dans la station de l’ANPE entre septembre et juin de 1997 à 2004 durant les jours ouvrables. Le troisième point de mesures (verger), situé hors agglomération et loin d’un axe de circulation (à 2 km d’une route), enregistre de très faibles taux de CO (Fig. 7A). Durant cette campagne de mesures, le vent de direction ONO a une vitesse faible la nuit (moyenne 0,7 m/s) et modérée le jour (3 m/s). Les pics de CO sont enregistrés aux heures de pointe, quand la force du vent est faible (moins de 1m/s) (Fig. 7B). Figure 7 : Taux de CO dans 3 trois points de mesures de l’agglomération de Sfax, le 18/01/2005 (A) et vitesse et direction du vent à l’aéroport de Sfax (B). Valeurs horaires moyennes (situation anticyclonique avec un vent faible de direction NNO, localisation des trois points sur la figure 5).31  Pour les mesures itinérantes, on note que les taux de CO les plus élevés sont enregistrés dans les croisements situés à proximité du centre-ville et particulièrement au niveau des avenues 7 novembre et 18 janvier (points A et B sur la figure 8), qui prolongent la route El Aïn vers le centre. Il s’agit de l’axe central de l’agglomération, formé de 6 voies, traversant le nouveau centre de Sfax-El-Jadida, et débouchant sur les deux autres centres qui sont la Médina et la ville européenne. Ces centres rassemblent l’essentiel des administrations et autres services (médicaux, commerciaux…). Des différences des taux de CO sont enregistrées au niveau de la rocade du km 4. Trois classes peuvent être distinguées : d’abord, un taux relativement élevé (entre 5 et 7.5 ppm) sur les routes de l’aéroport, de Tunis et de Mahdia (Fig. 8). Un trafic routier plus dense caractérise ces axes de circulation qui abritent des quartiers populaires densément peuplés et qui desservent des secteurs de convergence du trafic, comme le campus universitaire et les unités industrielles de la route de l’aéroport. Pour les routes de Tunis et de Mahdia, les taux élevés s’expliquent par l’importance des flux entre les communes périphériques de Saquiet Ezzit et Eddaier et la zone centrale de l’agglomération (Fig.8). Ensuite des taux relativement faibles (inférieurs à 2.5 ppm) caractérisent les routes de Mharza, Kaïd M’hammed, Lafrane, Saltnia et Sidi Mansour. Enfin, un taux compris entre 2.5 et 5 ppm est enregistré dans les croisements entre la rocade et le reste des radiales, caractérisés par un trafic plus fluide (Fig. 8). Figure 8 : Taux de CO dans les principaux croisements entourant le centre-ville (allant de la Médina à la rocade du km 4) le 17 Janvier 2005 entre 7h 45 et 8h 20 (mesures itinérantes réalisées instantanément par quatre équipes, moyenne des valeurs sur 5mn par point de mesure (capteur CO 210 Fluke) (situation anticyclonique hivernale).32  Il se dégage donc que pour le cas de l’agglomération de Sfax, il existe bien une relation entre répartition spatiale du CO (utilisé ici comme indicateur de la pollution d’origine automobile), morphologie et fonctions urbaines. En effet, la concentration des industries polluantes le long du littoral et de la quasi-totalité des activités dans la zone centrale et péricentrale, et l’organisation des flux à travers un réseau de rocades et de radiales expliquent les taux élevés de CO dans ces espaces, ainsi que dans les nœuds formés par les rocades et radiales. En revanche, l’étalement urbain dans les espaces résidentiels, particulièrement l’habitat pavillonnaire, semble y expliquer les faibles concentrations de CO, et plus particulièrement dans les espaces inter-radiales, au-delà de la ceinture du kilomètre 4. Spatialisation du SO2 par modélisation Méthodes et données 33  La dispersion des taux de SO2 émis par la SIAPE a été simulée par la modélisation numérique durant une journée de brise de mer. Le modèle utilisé est de type Gaussien. Il permet de réaliser les calculs, à court et à long terme, des concentrations des émissions des polluants non réactifs chimiquement et issues des sources ponctuelles. Ce modèle est le plus couramment utilisé compte tenu de sa relative facilité d’emploi et de son coût réduit (Beychock, 1994 ; Khlaifi et al., 2008). Ce modèle a été développé par A Khlaifi, ingénieur du laboratoire CERTES de l’université Paris XII. Il a été mis à notre disposition dans le cadre d’un travail de thèse (Dahech, 2007).34  En 2004, nous avons installé une station météorologique automatique fixe de type « Davis » à proximité de l’usine la SIAPE (à cité Elbahri). Cette station a enregistré la température, l’humidité relative, la vitesse et la direction du vent ainsi que la pression atmosphérique à un pas de temps de 6mn. Les données relevées durant l’année 2004, après étude statistique multivariée, ont montré l’existence de deux types de circulation dominante : le vent synoptique de l’Est et la brise marine. Le type le plus fréquent et le plus favorable aux fortes concentrations des polluants est celui qui est caractérisé par l’alternance de la brise de terre et de la brise de mer (Fig.10). Les données qui ont servi comme entrées du modèle numérique développé étaient de deux types : les données relatives à la source la plus émettrice en SO2 dans toute l’agglomération (47.2 % sont émis par la SIAPE ; Azri, 2000) telles que l’émission, la température et la vitesse du gaz, la hauteur et les diamètres des cheminées. Les mesures à la source ont été effectuées par deux laboratoires : le Japonais JICA et le tunisien LARSEN (Azri, 2000). Les données météorologiques concernaient la vitesse et la direction du vent ainsi que la nébulosité. Le tableau 1 montre un exemple de données relevées à minuit le 09/08/2004. Tableau 1 : Exemple de données d’entrée du modèle (abréviations expliquées en bas du tableau).- données météorologiques :(v m/s) vitesse du vent (d °/N) direction du vent(T °K) température(P hPa) pression(N octas) nébulosité(xs, ys, zs) coordonnées de la station- données concernant la source de pollution (ch : AS2)(h m) hauteur de cheminée(d m) diamètre de cheminée(x,y,z)coordonnées de- Données concernant le gaz polluant(Vg m/s) vitesse d’émission(Tg °K) température d’émission(g/s) flux d’émission35  Le modèle Gaussien a permis d’élaborer des cartes d’isoconcentration horaire de SO2. En calant ces données sur un fond topographique de l’agglomération de Sfax, il est possible de déterminer les zones les plus vulnérables et les plus exposées a ce polluant. Dispersion du SO2 en situation de brise 36  Durant la journée, sous l'effet du rayonnement solaire, la terre se réchauffe plus vite que la mer. Une brise de mer soufflant de la mer vers la terre est ainsi déclenchée. Elle peut rabattre vers la zone urbaine tous les polluants accumulés en mer pendant la nuit (Fig. 11 C). Durant le jour, la dispersion du SO2 est plus facile. D’abord, la brise de mer souffle à une vitesse trois à quatre fois plus rapide que celle enregistrée la nuit. De plus, la hauteur de la couche limite est largement réduite en période nocturne (Oke, 1987). De ce fait, sur les figures 11a (brise de terre), 11b (renverse matinale) et 11d (renverse nocturne), le taux de SO2 est environ 4 fois plus élevé qu’en situation de brise de mer (fig. 11c). Figure 9 : Vitesse et direction du vent durant une journée de brise (enregistrées par la station Davis, pas de temps 6mn). 37  Durant la période de la renverse nocturne, les polluants issus de la SIAPE se dirigent vers les zones les plus peuplées de l’agglomération. Pour identifier les secteurs vulnérables, la figure 3d (courbes d’iso-concentration du SO2 à 22h durant la renverse nocturne de la brise) et plus précisément les espaces où la concentration est supérieure à 900 µg/m3sont croisés par le biais d’un SIG à la carte du tissu urbain (Fig. 12). Les zones les plus vulnérables sont situées dans un rayon de 2 kilomètres autour de l'usine (cités Elhabib et M’harza situés au Nord de l’usine). Durant la renverse matinale, juste avant le début de la brise de mer (6-9h), ce sont les quartiers de la route de Gabès, et particulièrement Elbadrani, El Moez et Ennasr au Sud de la SIAPE qui sont les plus exposés. Figure 10 : Répartition spatiale et horaire du SO2 le 12/08/2004 (situation de brise) :(a) 0h : brise de terre (b) 7h : renverse matinale (c) 15h : brise de mer (d) 22h : Renverse nocturne Figure 11 : Identification des surfaces bâties soumises aux concentrations en SO2émises par la SIAPE, dépassant le seuil d’information et d’alerte préconisés par l’OMS (respectivement 350 (C) et 500µg/m(B) le 12/08/2004 à 23h. (concentrations en SO2obtenues par modélisation et tissu urbain obtenue à partir d’une image Landsat TM datée de juillet 2010 ).38  Ce travail basé sur l’utilisation d’un SIG, pourrait être amélioré dans le futur par l’intégration d’autres couches, comme la concentration atmosphérique d’autres polluants, la perception par les habitants de la pollution de l’environnement. L’acquisition de ces données requiert la réalisation d’autres enquêtes auprès de la population et des ouvriers habitant et travaillant dans les zones polluées que nous avons identifiées.   Conclusion 39  Considéré sous l'angle de la répartition spatiale de quelques paramètres de pollution atmosphérique, l'étalement urbain dans l'agglomération de Sfax présente de nombreuses originalités en rapport avec les conditions aérologiques locales. L'étude de la pollution de l'air à partir de sources fixes comme l’usine de traitement des phosphates (SIAPE) a montré des inégalités spatiales dans la vulnérabilité et l'exposition aux risques entre zones littorales Nord et Sud d'une part, et le reste de l'agglomération d'autre part, en relation avec le phénomène de brise. L'étude de la répartition du CO à partir de sources mobiles montre d’une part, que ces inégalités s'observent entre zones centrales et péri-centrales ; d’autre part entre la zone des jneins et l’habitat péri-urbain. Cela s’explique par la localisation centrale de l'essentiel des activités et la congestion des zones centrales et péri-centrales, ainsi que par les déplacements pendulaires de la population qui en découlent.40  Ce constat mérite d'être pris en compte dans l'aménagement actuel et les projets futurs de l'agglomération. En effet, même si la délocalisation de la SIAPE, principale source de pollution atmosphérique, est manifestement décidée depuis mars 2008 pour la fin de l’année 2011 par les plus hautes instances de l’Etat, les dégâts peuvent être partiellement limités à travers une concertation entre services de la météo et SIAPE. Il a été démontré dans ce travail que les situations les plus polluantes sont les situations de brise, entre 20 heures et 1 heure du matin environ. Durant ce laps de temps, l'arrêt total ou partiel de la production ainsi que l’utilisation d’un fuel plus propre méritent d'être envisagés comme solution provisoire en complément avec l’utilisation et l’entretien des filtres permettant de réduire les rejets atmosphériques. L’arrêt de la production est techniquement possible mais il y a une forte réticence de la direction de l’entreprise car, pour les dirigeants, cela a un coût trop élevé par rapport au bénéfice social estimé.41  Une meilleure collaboration de l’établissement industriel avec les services de prévision météorologique permettrait de diminuer les rejets aux heures les plus critiques (entre 20h et 1h du matin, durant les nuits où la brise est bien installée). La production en plein régime pourrait reprendre entre 2 h et 6 h, heures auxquelles la brise transportant les polluants se dirige vers la mer et donc période ou l’activité industrielle a moins d’effets négatifs sur la population. Les services météorologiques pourraient fournir des prévisions concernant le type de temps à risque et prévenir les usines dégageant des émissions chargées en polluants, afin qu’elles réduisent leur rejets par ralentissement ou arrêt de l’activité pendant quelques heures. L’objectif étant de diminuer la quantité de polluants émis dans l’atmosphère, quand la structure de l’atmosphère et les facteurs météorologiques sont défavorables à une bonne dispersion des polluants. Pour définir une méthode opérationnelle permettant au service météo d’émettre des bulletins d’alerte lors des situations favorables à la détérioration de la qualité de l’air, il faudrait mettre en place le suivi quotidien de la structure de la couche limite ainsi que la mesure du SO2 (le polluant qui cause le plus de problèmes à Sfax) sur plusieurs points (par des cartouches absorbantes par exemple).42  Le CO et le SO2 sont loin d’être les seuls gaz nocifs émis par l’industrie et le trafic automobile. D’autres polluants comme l’ozone (O3) et les particules minérales (PM) représentent une source de nuisance à Sfax et mériteront à l’avenir d’être étudiés. Il en est de même des poussières (sable, émissions industrielles, incinération) qui représentent un des problèmes majeurs à Sfax. La pollution de l’air est également accompagnée par des nuisances olfactives qui préoccupent de plus en plus la population. Dans les travaux futurs, nous souhaitons cerner la variation de cette gêne dans l’espace et dans le temps en réalisant des enquêtes dans les quartiers pollués.43  En attendant, l'habitant de Sfax semble avoir trouvé dans l'habitat pavillonnaire individuel, évitant la frange littorale et s'éloignant le plus possible du centre, "sa" solution aux problèmes de pollution, ce qui accentue encore l'étalement spatial de l'agglomération. Ce fait contribue à la multiplication des transports individuels et ainsi à l’engorgement du centre-ville aux heures de pointe. A Sfax, le renforcement d'un modèle polycentrique en réseau, avec diversification de « sous-centres » desservis par des transports publics performants, pourrait aboutir à l’amélioration de la qualité de l’air au centre-ville. Il faudrait dans ce cas passer d’une morphologie urbaine en radiales (doigts de gants) à une urbanisation plus homogène qui comble les vides interstitiels (l’espace inter-radiales). Enfin, il serait judicieux de ne pas répéter les erreurs du passé, et ce, en tenant compte des conditions aérologiques locales dans le choix du nouveau site de la SIAPE.